L’origami est l’art du pliage en papier. Un art ancestral, aussi délicat qu’économique, aussi simple que complexe et apprécié autant par les enfants que par les adultes pour la stimulation de l’imagination et de la créativité que cet art amène. Issu d'une longue tradition, l'origami est avant tout un art décoratif qui permet de représenter des animaux, des formes géométriques et des objets.
Aucun outil n'est nécessaire pour réaliser ce pliage en papier. Cet art n'exige rien d'autre que de la patience et de la dextérité et ne connaît pas d'autres limites que celles de l'imagination.
On pense que l'origami a été introduit dans la société japonaise après l'invention du papier, qui a vu le jour en Chine. Les premières techniques de fabrication du papier et les premiers produits en papier ont été importés au Japon par des moines bouddhistes entreprenants qui ont ramené la technologie de Chine pendant la période Heian (794-1185).
Le mot « origami » vient du verbe japonais "ORU" volant dire PLIER et du mot "KAMI" qui signifie PAPIER. Les premières créations d'origami étaient strictement réservées à des fins religieuses en raison du prix élevé du papier.
Les premières pièces d'origami connues sont une paire de papillons pliés, utilisés comme décoration de bouteilles de saké de mariage. Ces papillons, appelés “Ocho Mecho” datent de la période Heian.
Des Ocho Mecho décorant des théières
Peu de temps après son introduction au Japon, l'origami s'est rapidement répandu et est devenu une pratique culturelle traditionnelle. La pratique du pliage du papier, considérée comme une compétence élitiste, a été sécularisé par les nobles de Heian en utilisant des "chiyogami" (千代紙 en japonais) pour l'emballage de cadeaux. Ces chiyogami sont faits à partir de feuilles de papier "washi" ( nom composé des mots "wa" (japonais) et "shi"(papier) et désignant l’ensemble des papiers traditionnels fabriqués à partir de longs morceaux d'écorce de mûrier japonais). Ils sont ensuite peints au pochoir ou imprimés à la main avec des images florales japonaises traditionnelles vives et colorées pour un rendu final luxurieux.
Dans l'ancienne cour impériale japonaise, l'origami était une activité de loisir à la fois raffinée et divertissante.
Les artisans papetiers japonais ont continué à améliorer la qualité du papier washi pour origami au cours du temps.
En 1680, un court poème, du poète et romancier Ihara Saikaku, fait référence à l'origami du papillon, ce qui montre à quel point le pliage du papier était déjà ancré dans la culture japonaise à cette époque.
L'un des premiers livres d'instructions connus sur le pliage du papier est «Sembazuru Orikata» (1797), d'Akisato Rito, qui montre comment plier des grues reliées. Celles-ci sont pliées à partir de carrés dewashi et entre-connectées.
Jusqu’au XIXème siècle, bien qu'il ne soit plus réservé aux seigneurs et aux moines, l'origami n'était pas l'activité artisanale de l'enfance que nous connaissons aujourd'hui. Il était principalement utilisé pour offrir des cadeaux et organiser des cérémonies. Depuis, cet art a été défini par différents mouvements et tendances.
Un artiste japonais, Akira Yoshizawa (1911-2005), a eu un effet particulièrement important sur l'évolution de l'origami comme forme sophistiquée d'art et pratique contemporaine hautement cultivée. Yoshizawa-san est bien connu des amateurs d'origami pour avoir créé la pratique du "wet-folding" (ウェット・フォールディングen japonais) ou pliage humide. Cette technique facilite la manipulation du papier plié par humidification, donnant aux formes d'origami un aspect d’avantage sculpté que purement géométrique.
Les origamis étonnamment réalistes et complexes de l'artiste Hoang Tien Quyet, source Melanie D. sur Creapills.com
Akira Yoshizawa est également l'un des créateurs du système de diagramme Yoshizawa-Randlett, une méthode révolutionnaire de schématisation des instructions de pliage de l'origami. Le génie de Yoshizawa-san a inspiré une renaissance de l'art de l'origami et a joué un rôle majeur dans son expansion internationale par la standardisation des modèles.
L'influence de l'origami sur l'art et la société ne s'est nullement limitée aux frontières japonaises.
Au début du XIXème siècle, le pédagogue allemand Friedrich Fröbel, qui fut à l'origine des premiers jardins d'enfants, vantait les bienfaits de l'origami pour le développement des enfants. Un principe repris des années plus tard par Maria Montessori, médecin pédagogue italienne, qui voyait en l'art du pliage du papier un formidable outil pédagogique.
L'auteur et philosophe espagnol Miguel de Unamuno (1864-1936) a également joué un rôle important dans la popularisation de l'origami. C'était un plieur de papier célèbre que l'on pouvait trouver dans les cafés en train de fabriquer des oiseaux en papier. Il a parlé du pliage de papier dans de nombreux ouvrages, dont Amor y pedagogía (1902) ("Amour et pédagogie" en français) et l'a même utilisé comme métaphore pour ses discussions plus profondes sur la science, la religion, la philosophie et la vie.
Le pliage origami s'est également répandu en Amérique du Sud, principalement grâce au travail du médecin et maître plieur argentin Vicente Solórzano Sagredo (1883-1970), auteur des manuels de pliage de papier les plus complets en espagnol.
En Angleterre, Margaret Campbell a publié en 1937 son livre phare, Paper Toy Making, qui contenait une vaste collection de modèles d'origami. Deux ans plus tard, les flexagones en papier du mathématicien britannique A.H. Stone, dont les structures en papier modifiaient curieusement leurs faces lorsqu'elles étaient correctement fléchies, ont donné un coup de fouet à la popularité du pliage de papier, tant sur le plan récréatif qu'éducatif.
Pour un exemple de flexagone en action, regardez la vidéo suivante :
Après la Seconde Guerre Mondiale, l'origami a suscité un intérêt croissant en Amérique du Nord et a fait l'objet de recherches intensives, notamment de la part du folkloriste Gershon Legman aux États-Unis. En 1955, Legman a organisé une exposition à Amsterdam sur les origamis du maître japonais Akira Yoshizawa, considéré comme le plus grand plieur de son temps dont le travail a inspiré les générations suivantes de plieurs.
Le maître japonais de l'origami Akira Yoshizawa et ses créations
Dans les années 1950, Lillian Oppenheimer a également contribué à populariser le mot "origami" et à le faire connaître aux Américains. Elle a fondé l'Origami Center of America à New York en 1958, a utilisé le média relativement nouveau de la télévision pour populariser cette forme d'art et a produit plusieurs livres sur l'origami avec l'animatrice pour enfants et star de la télévision Shari Lewis. Comme Lillian Oppenheimer aimait à le dire, "Pourquoi les Japonais devraient-ils avoir (seuls) tout le plaisir ? ».
Dans les années 1960 et au début des années 1970, des plieurs américains tels que Fred Rohm et Neal Elias ont mis au point de nouvelles techniques qui ont permis de produire des modèles d'une complexité sans précédent.
À la fin des années 1980, Jun Maekawa, Fumiaki Kawahata, Issei Yoshino et Meguro Toshiyuki au Japon et Peter Engel, Robert Lang et John Montroll aux États-Unis ont encore fait progresser les techniques, inspirant, par exemple, le pliage de créatures et d'insectes à pattes et antennes multiples.
Au début des années 1990, Robert Lang a mis au point un programme informatique (TreeMaker) pour faciliter le pliage précis des bases et un autre (ReferenceFinder) pour trouver des séquences de pliage courtes et efficaces pour n'importe quel point ou ligne à l'intérieur d'un carré d'unité.
Comprendre la beauté esthétique de l'origami
L'origami célèbre l'importance du minimalisme dans l'art. Reflété par le terme « shibumi » (渋味 en japonais), qui désigne une sorte de beauté discrète ou de simplicité, l'origami est souvent loué pour sa capacité à transformer un objet banal, la feuille de papier, en quelque chose de beau.
Le papier washi dont est fait l'origami reflète également un autre élément de l'esthétique japonaise. Pareillement à la vie, le papier est fragile et temporaire, mais les artistes de l'origami tentent de l'exploiter sous une forme unique et tangible dans l'espoir de créer un objet ayant une certaine permanence.
Les artisans japonais de l'origami préfèrent créer des représentations d'objets naturels, tels que la flore et la faune, plutôt que des objets non vivants, plus populaires dans d'autres cultures du pliage de papier.
Aujourd'hui, les artistes contemporains qui s'inspirent de la riche tradition esthétique du Japon sont capables de construire des origamis extraordinaires, à la fois dynamiques et réalistes, en utilisant cette forme d'expression artistique de haut niveau.
Styles Architecturaux influencés par l’origami
L’art japonais de l’origami a eu un impact sur le secteur de l’architecture et de la construction. Son design moderne et minimaliste permet aux architectes d'imaginer des constructions contemporaines originales afin de créer des lieux modernes et atypiques.
Cet art est devenu pour certains, un motif graphique minimaliste et subtil, fait d'angles et de reliefs tel que l’on peut l’observer sur la Tour Hearst, à New York, ou sur l'immeuble de bureaux Origami, situé au cœur du Triangle d'Or parisien, dans le 8ème arrondissement.
La Hearst Tower est le premier gratte-ciel bâti à New York après la chute des Tours jumelles le 11 Septembre 2001.
Le corps-bas maçonné, de six étages, réalisé en 1928 par l'architecte Joseph Urban a pu être conservé.
La tour moderne, de 40 étages de haut, montée au-dessus du corps bas, fut reprise avec ce dernier par le cabinet « Foster + Partners » de l'architecte britannique Norman Foster.
La forme triangle et le pliage sont utilisés pour donner du mouvement aux arrêtes du bâtiment. Dans ces lieux sont alors crées à la fois la sensation de l’apparence du bâtiment à l’intérieur de la ville et celle de l’apparence de la ville à l’intérieur du bâtiment.
Hearst Tower, New York
Roy Rochlin//Getty Images
Immeuble de bureaux Origami © Vincent Fillon, source : http://manuelle-gautrand.com/
L'immeuble de bureaux Origami est situé au cœur du Triangle d'Or parisien, dans le 8ème arrondissement. Le bâtiment qui datait des années 1970 a été entièrement détruit à l'exception des quatre niveaux de parking en sous-sols, puis reconstruit en 2006. Certifié HQE, il a été conçu par l'architecte Manuelle Gautrand selon un double concept de transparence et de minéralité. Le triangle et le pliage, utilisés pour les panneaux formant la seconde peau translucide au devant de la paroi vitrée, donnent par leurs reliefs, une ambiance intérieure douce et tamisée et animent la façade extérieure.
Pour d’autres, l’origami a servi comme source d’inspiration dans la géométrie et l’agencement des formes, pour un rendu remarquable et distingué. De bons exemples sont le Biomuseo de la ville de Panama ou la tour Salling de la ville d’Aarhus.
Photos © The Biomuseo et Victoria Murillo
Le Biomuseo est le premier bâtiment d’Amérique Latine conçu par l’architecte Frank Gehry, dont la femme est panaméenne. Ce musée, aux structures décalées et multicolores, a pour but de raconter l’histoire naturelle du Panama et l’évolution de la planète durant les siècles passés. On remarque les toitures colorées en forme de pliage.
Salling Tower, Photos © Torben Eskerod.
Le studio Dorte Mandrup, basé à Copenhague, a conçu la tour Salling comme une "sculpture urbaine dramatique" destinée à servir de point de convergence et de lieu de rencontre pour les visiteurs du port de la ville danoise d'Aarhus. Elle comporte deux plates-formes d'observation, l'une est orientée vers l'eau, donnant au volume un profil en forme de flèche, tandis que la seconde est située au sommet, à 7,5 mètres au-dessus du quai. La structure blanche en acier perforé, évoque tout à fait le pliage du papier.
Enfin, nous avons ceux pour qui l’origami en architecture, mêle à la fois esthétisme, source d’inspiration, fonctionnalité et résistance mécanique. L’origami permet de créer un jeu d’ombres et de lumière sur les surfaces pliées, mettant en valeur des formes complexes. Donnant une apparence fragile à l’ouvrage, cet art crée un étonnant contraste avec le caractère résistant du bâtiment. L’origami permet de lier par ses pliages des lignes à la fois traditionnelles et très modernes dans l’esthétique du bâtiment, rendant ainsi possible de jouer sur les impressions de légèreté et de relief pour attirer l’œil. Cette combinaison tradition et modernité apporte du raffinement et un sentiment de pureté et d’harmonie naturelle.
Maison F-House et A-House par Kubota Architect Atelier
Comme l’explique l’architecte japonais Katsufumi Kubota lors d’une interview, son art architectural est de lié les matériaux contemporains européens du bâtiment avec le style japonais très porté sur la légèreté. « L’architecture japonaise vivait avec la nature, l’homme et l’architecture vivaient avec la nature, c’est le principe de base de l’architecture japonaise traditionnelle. Tandis que l’architecture moderne, afin de résister aux catastrophes naturelles, est devenue plus rigide et plus lourde. Le style européen utilise beaucoup de fer, de béton et d’acier. Mon idée est donc d’utiliser ces matériaux contemporains toute en allégeant mon architecture. »
L’origami a non seulement inspiré les architectes d’un point de vue visuel et esthétique mais ces derniers l’ont intégré dans leur conception d’ouvrage d’art comme moyen de réaliser des structures innovantes et inspirantes.
En conclusion
De la pratique religieuse à l'innovation artistique, le pliage du papier est devenu un moyen esthétique à part entière. Au Japon et dans le monde entier, les artistes de l'origami attirent de plus en plus l'attention de petits galeristes de renom et de collectionneurs privés qui leur commandent des pièces se vendant plusieurs milliers de dollars.
Il ne fait aucun doute que les maîtres contemporains de l'origami continueront à créer des sculptures en papier étonnamment originales qui transcendent les exemples typiques de cet humble art et l'amènent dans un domaine qui va bien au-delà du jeu d'enfant. Avec sa capacité à offrir un amusement simple et créatif aux enfants, ainsi qu'un médium complexe et profond aux artistes, l'origami continuera à inspirer les uns et les autres dans le monde entier.
Le projet « Starshade » est un disque en pliage origami qui une fois déployé dans l’espace, en volant loin devant un télescope spatial pour bloquer la lumière des étoiles, pourrait aider les scientifiques à obtenir une vision claire sur les télescopes spatiaux. La structure du « pare-étoile » est basée sur un modèle de pliage dit "flasher", qui lui permet de s'enrouler en cylindre pour le lancement. Une fois dans l’espace, ce dispositif se déploie alors en un disque plat dont les pétales ressemblent à ceux d'une fleur, comme on peut le voir dans la vidéo et les images ci-dessous :
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